Prose ferroviaire
Et oui, maintenant que je travaille tous les jours, je dois affronter le train quotidiennement! Et le train, comment dire... c'est une belle métaphore de l'Inde: il y a des jours où on l'adore et des jours où on le déteste. C'est un surprenant mélange d'amour-haine qu'on ne ressent nulle part ailleurs et cette spécificité indienne inspire... alors un peu de poésie pour enjoliver les jours où on préférerait rester sur la plateforme!
Entrée en gare
La tension monte, les corps se raidissent, le cœur palpite,
Les mains s’accrochent nerveusement au métal froid des poignées
Prêtes à expulser le reste du corps par l’orifice béant du train
Comme on se prépare à pousser sur des étriers
Sachant que ça va être douloureux mais qu’il n’y a qu’une seule issue
L’extérieur, l’air frais, ventilé, où l’on peut de nouveau respirer
Pas cette moiteur humide, poisseuse, à peine apaisée par le ronronnement des ventilateurs
Où les corps s’entassent, se pressent, mélangent leur sueur et leurs humeurs,
Dans une étrange ambiance de bienveillance mêlée d’animosité
Où le sourire peut très vite faire place à la férocité…
Mais voilà que le train ralentit, on pousse, on crie,
Et en quelques secondes on est vomi de la matrice
Porté par le flot de la foule mue par cette force naturelle qu’on appelle la survie
Le wagon des couleurs
Arc-en-ciel de saris, palette joyeuse qui égaye le terne du quotidien
Le wagon réservé aux femmes est comme une oasis de couleurs au milieu du gris de la ville
Qui surgit tel un mirage à travers le semi-obscure des grilles du wagon
Où nos yeux soudainement éblouis ne savent plus où donner du regard tant les étoffes, les tissus, les foulards
Rivalisent par leur vivacité de coloris : rose tagada, vert granny smith, bleu curaçao, jaune curcuma,
On se délecte de cette farandole de couleurs comme de friandises dans une vitrine, se régalant de leur mélange,
Souvent détonnant, parfois audacieux, rarement indigeste mais toujours porté avec grâce par celles
qui, bravant chaque jour les affres du train, n’oublient pas leur coquetterie en chemin
Les banquettes musicales
A l’heure de pointe se joue un jeu ancestral : les chaises musicales
Chaises dans le train il n’en est point
Mais le stratagème reste le même
Le principe est enfantin pour qui souhaite s’asseoir dans le train
Demander au chanceux assis sa destination
Et lui piquer sa place une fois arrivé à sa station
Le confort sur les banquettes n’étant pas égal
Il faut être aussi stratégique que dans une bataille navale
Ambitieux, rusé et téméraire
Pour avoir une chance de poser son derrière